Wednesday, November 08, 2006

[Chez Matthieu] Nouveau commentaire sur Education supérieure et entreprises.

zmb a ajouté un nouveau commentaire sur votre message blog "Education supérieure et entreprises" :

@Matthieu : à propos de la brevetabilité du vivant. Permettez-moi de vous apporter quelques informations là-dessus et veuillez m'excuser d'intervenir si tard dans le débat. Tout d'abord, contrairement à ce qui a été écrit par Enro, un brevet n'entraîne pas une appropriation du vivant (notez que l'expression n'a d'ailleurs strictement aucun sens, puisque vous vous êtes approprié du vivant le jour où vous avez acheté une plante verte). Un brevet est un titre délivré par une autorité administrative conférant à son titulaire un monopole temporaire d'exploitation sur l'invention qui en est l'objet. Cela signifie donc que le brevet ne permet que d'interdire à autrui d'exploiter l'invention objet du brevet. Pour parler encore plus simplement, votre brevet portant sur YFG (Your Favorite Gene) et la protéine codée par YFG ne vous confère la propriété ni de YFG ni de Yfg, mais vous permet d'être seul sur le marché à utiliser Yfg pour isoler des molécules thérapeutiques ciblant ladite protéine. Si vous êtes une pharma, c'est une garantie de retour sur investissement. Usuellement un brevet portant sur un objet (par ex. le DHMO ;-)) en tant que tel couvre l'ensemble des utilisations de cet objet (par ex. pour solubiliser un produit chimique ou pour noyer une mouche), et ce même celles qui n'ont pas encore été imaginées. Le chercheur qui aura pensé à une nouvelle utilisation du DHMO pourra faire breveter cette utilisation si elle satisfait aux critères de brevetabilité (nouvelle, inventive, susceptible d'application industrielle). Cependant, il ne pourra mettre en œuvre cette utilisation sans l'autorisation du propriétaire du brevet du DHMO, c'est-à-dire sans prendre une licence pour ce brevet. Venons-en au vivant. C'est là que les choses se compliquent (s'il en était encore besoin). En effet, le législateur français, soucieux de préserver la dignité humaine jusque dans les séquences Alu, a décidé de ne transposer que partiellement la Directive 98/44, qui édictait des règles claires et conformes à la pratique internationale (et ça ne veut pas dire uniquement américaine) pour la brevetabilité du vivant. Las ! Il n'est plus maintenant possible de breveter – en France – un gène que pour une fonction donnée (le législateur n'a d'ailleurs pas précisé ce qu'il fallait entendre par « fonction du gène » ; la seule d'intérêt à laquelle je puisse penser, c'est de faire un mARN). J'ajoute que le législateur a aussi introduit des articles concernant l'exploitation des inventions de biotechnologie. A noter que la rédaction desdits articles (L613-2-1 à L613-2-4 CPI) montre clairement (c'est d'ailleurs la seule chose qui soit claire à propos de ces articles) que le législateur ne comprend rien ni à la biologie ni au droit des brevets. Toujours est-il qu'on comprend vaguement que le titulaire d'un brevet qui aurait été délivré pour une séquence d'ADN en tant que telle ne pourra faire valoir son droit que sur la base d'une fonction de cette séquence divulguée dans le brevet. Ce qui signifie qu'une pharma ou une biotech (comme c'est souvent le cas) pourrait obtenir un brevet sur YFG qui serait limité à l'utilisation de YFG pour isoler des molécules anticancéreuses et voir son concurrent développer librement un test de diagnostic – ou pire, déposer une demande de brevet sur un test de diagnostic – utilisant YFG, sans pouvoir rien y faire. Deux questions dès lors : 1) la pharma ne devrait elle pas garder secrets ses travaux sur YFG, auquel cas il est loin d'être sûr que la science y gagnât ? 2) que pourrait encore vendre une biotech ? Toutes mes excuses pour avoir été si long, mais le sujet est passablement compliqué, et comme toujours, on peut compter sur le législateur français pour ne pas simplifier les choses.



Envoyé par zmb à Chez Matthieu le 08 novembre, 2006 17:21

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